LES NOUVEAUX BRASSEURS SONT-ILS RÉELLEMENT DES SAUVEURS DE SAVEURS ?
C’est la fadeur de la lager qui est à l’origine de cette révolution.
Personne ne sait réellement quand tout a commencé. Peut-être à la fin des années 1960, au milieu des années 1970 ou au début des années 1980. Mais tout le monde s’accorde au moins sur la raison de ce mouvement : la fadeur des bières américaines, des lagers insipides. Les brasseries comme Coors et Anheuser-Busch dominaient alors le marché qu’elles inondaient de leurs bières standardisées produites à bas coût. Au milieu des années 1980, il restait 44 à 89 brasseries indépendantes pour une population de 230 millions d’Américains alors que l’Allemagne en comptait 1 600. C’est à cette époque que la résistance s’est organisée sous l’appellation de craft beer, désormais sur toutes les lèvres des amateurs de houblon.
Les débuts du mouvement
La renaissance du brassage a commencé dans des garages, à l’image de start-up. Personne ne peut dater exactement le « mouvement », mais la brasserie Anchor Brewing Company de Fritz Maytag, basée à San Francisco, a lancé plusieurs bières authentiques dès 1965.
La première génération de craft beers
La Californie a rapidement été inondée de craft beers de première génération. Mais l’invasion est restée contenue. Ce mouvement en faveur des bières artisanales était en effet une réponse à un besoin urgent, que l’Allemagne ne connaissait pas et ne connaît toujours pas. Alors pourquoi cet intérêt pour la « Craft-Bier » au pays de la bière ? Peut-être parce que parmi les nombreuses bières produites en Allemagne, beaucoup ont un goût très proche, ce qui explique l’effondrement de la consommation annuelle de 142 à 105 litres par habitant entre 1990 et 2015. Pourtant, l’Allemagne regorge de petites brasseries.
Les classiques de la bière allemande
Si vous les visitez, vous y trouverez tout ce qui fait la craft beer : des breuvages fantastiques déclinés dans une large palette de saveurs. La demande en bière artisanale reste cependant circonscrite aux villes, et ce, pour deux raisons. D’abord, il est difficile, dans les villes allemandes, de faire l’impasse sur les bières classiques, de la Kölsch (ale de Cologne) à la Holsten (pils de Hambourg), en passant par la Berliner Kindl ou la DAB (Dortmund). Ensuite, les citadins vivent éloignés de la nature et ont soif d’authenticité. Inutile d’essayer de vendre de la viande bio ou des ateliers de fabrication de pain aux épouses d’agriculteurs.
Priorité au produit, pas au marketing
Il en va de même au pays de la craft beer, les États-Unis, ou la tendance n’a décollé que parce que, justement, elle était tendance ! Dans les années 1990, les marchés de producteurs ont essaimé dans les villes, poussant les Américains à s’interroger sur la provenance des aliments. Parallèlement, la craft beer a fait une percée parmi le grand public. Ce que ses amateurs oublient parfois, c’est que la qualité n’est pas une forme de créativité. La craft beer est tout simplement une bière pour laquelle les efforts se sont plus concentrés sur le produit que sur les campagnes de vente.
Rien de sorcier
Si brasser de la bière n’a, en définitive, rien de vraiment sorcier, créer une bonne bière est un art. Ce savoir-faire, il faut l'acquérir. Tout comme le tombé d’un costume sur mesure ne peut être comparé à celui d’un modèle de prêt à porter, aussi bien coupé soit-il, la bière fabriquée par un brasseur passionné sera toujours bien meilleure que les lagers industrielles.
Des épluchures de mangues ?
La différence tient au fait que la bière artisanale ne contient aucun additif bizarre. Elle peut avoir un goût de cacao ou de mangue, mais vous n’en retrouverez pas trace dedans : ces saveurs proviennent des houblons aromatiques de haute qualité qui se révèlent totalement au cours du brassage. Aucun maître brasseur ne s’aviserait d’aromatiser sa maische à l’aide de pelures de mangues. Les saveurs sont en fait exhalées au travers d’un processus de séparation. La quantité de liquide ajouté modifie la concentration des sucres du malt et de l’amidon dégradé, ce qui a une influence sur le moût.
Asseyez-vous et dégustez votre bière
Le choix de bières est devenu conséquent. Mais avons-nous réellement besoin de sommeliers de la bière ? Et de ces boutiques spécialisées habillées d’étagères en bois qui fleurissent dans les centres-villes ? Doit-on tirer une quelconque fierté de pouvoir lire dans une bière comme un œnologue peut décrypter un vin ? L’essentiel n’est-il pas que la personne qui boive une bière l’apprécie ? En d’autres termes, nous n’avons pas besoin de hipsters recouverts de tatouages pour restaurer la place du goût en tête de nos priorités. La craft beer étend simplement la gamme de saveurs disponibles ; elle n’est pas le sauveur de cette boisson que nous appelons bière.
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